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Swann’s Way, paragraph 25

But one day, my grandfather read in a paper that Monsieur Swann was among the most frequent Sunday luncheon guests at the home of the Duke of X——, whose father and uncle had been leading statesmen of Louis-Philippe’s reign. Now, my grandfather was curious about all the little facts that could help him understand the private world of men such as Molé, or the Duke Pasquier, or the Duke of Broglie. He was delighted to discover that Swann regularly met with people who had known them. My great aunt, by contrast, interpreted this news in a sense unfavorable to Swann: someone who chose his companions outside the caste he was born to, outside his class, in her view suffered a regrettable social demotion. It seemed to her such a one must forfeit at once the whole harvest, honorably tended and stored up by farsighted families for their offspring, of fine relations with well-placed people; (my great aunt had even cut off the son of a lawyer friend of ours who’d married a royal and thus in her estimation slid from the respected rank of son-of-a-lawyer to the level of one of those adventurers, former valets, or stable boys on whom, so it’s said, queens at times bestow a bounty). She condemned my grandfather’s plan to interrogate Swann, the next time he came to dine with us, about these friends of his we’d discovered. Meanwhile, my grandmother’s two sisters, spinsters who shared her noble nature but not her mind, claimed not to understand what pleasure their brother-in-law could find in speaking of such nonsense. They were women with high aspirations and, on account of this, were incapable of paying heed to what we’d call a bit of gossip, even when it had historical import, nor more generally to anything not closely concerned with an aesthetic or moral subject. Their disinterest in anything present or past that seemed linked with worldly life was such that their auditory sense—having come to understand its temporary uselessness when the dinner conversation took on a frivolous or even down-to-earth tone and these two old maids couldn’t steer it to the subjects dear to them—put the ladies’ receptor organs to rest so that they truly began to atrophy. If my grandfather needed to catch both sisters’ attention, he had to resort to the physical signals psychiatrists use to deal with maniacs who suffer from distraction: striking a glass repeatedly with a knife blade, while delivering harsh words and stern looks, a violent method these doctors often extend to routine relationships with healthy people, either out of professional habit, or because they believe everyone’s a little crazy.

Mais une fois, mon grand-père lut dans un journal que M. Swann était un des plus fidèles habitués des déjeuners du dimanche chez le duc de X…, dont le père et l’oncle avaient été les hommes d’État les plus en vue du règne de Louis-Philippe. Or mon grand-père était curieux de tous les petits faits qui pouvaient l’aider à entrer par la pensée dans la vie privée d’hommes comme Molé, comme le duc Pasquier, comme le duc de Broglie. Il fut enchanté d’apprendre que Swann fréquentait des gens qui les avaient connus. Ma grand’tante au contraire interpréta cette nouvelle dans un sens défavorable à Swann: quelqu’un qui choisissait ses fréquentations en dehors de la caste où il était né, en dehors de sa «classe» sociale, subissait à ses yeux un fâcheux déclassement. Il lui semblait qu’on renonçât d’un coup au fruit de toutes les belles relations avec des gens bien posés, qu’avaient honorablement entretenues et engrangées pour leurs enfants les familles prévoyantes; (ma grand’tante avait même cessé de voir le fils d’un notaire de nos amis parce qu’il avait épousé une altesse et était par là descendu pour elle du rang respecté de fils de notaire à celui d’un de ces aventuriers, anciens valets de chambre ou garçons d’écurie, pour qui on raconte que les reines eurent parfois des bontés). Elle blâma le projet qu’avait mon grand-père d’interroger Swann, le soir prochain où il devait venir dîner, sur ces amis que nous lui découvrions. D’autre part les deux sœurs de ma grand’mère, vieilles filles qui avaient sa noble nature mais non son esprit, déclarèrent ne pas comprendre le plaisir que leur beau-frère pouvait trouver à parler de niaiseries pareilles. C’étaient des personnes d’aspirations élevées et qui à cause de cela même étaient incapables de s’intéresser à ce qu’on appelle un potin, eût-il même un intérêt historique, et d’une façon générale à tout ce qui ne se rattachait pas directement à un objet esthétique ou vertueux. Le désintéressement de leur pensée était tel, à l’égard de tout ce qui, de près ou de loin semblait se rattacher à la vie mondaine, que leur sens auditif,—ayant fini par comprendre son inutilité momentanée dès qu’à dîner la conversation prenait un ton frivole ou seulement terre à terre sans que ces deux vieilles demoiselles aient pu la ramener aux sujets qui leur étaient chers,—mettait alors au repos ses organes récepteurs et leur laissait subir un véritable commencement d’atrophie. Si alors mon grand-père avait besoin d’attirer l’attention des deux sœurs, il fallait qu’il eût recours à ces avertissements physiques dont usent les médecins aliénistes à l’égard de certains maniaques de la distraction: coups frappés à plusieurs reprises sur un verre avec la lame d’un couteau, coïncidant avec une brusque interpellation de la voix et du regard, moyens violents que ces psychiatres transportent souvent dans les rapports courants avec des gens bien portants, soit par habitude professionnelle, soit qu’ils croient tout le monde un peu fou.

N o t e s

Molé, the Duke Pasquier, and the Duke of Broglie. These three statesmen served Louis Philippe I: Louis-Mathieu Molé ; Étienne-Denis Pasquier (1767–1862), who was created a duke by Louis-Philippe; and Victor de Broglie (1785–1870).

Psychiatrists. Proust wrote les médecins aliénistes (“alienist doctors”) and ces psychiatres (“these psychiatrists”).